Samuel Sufo

Le calvaire des migrants africains en Libye: ma part de vérité.

Sujet simple et délicat

C’est très difficile de s’intéresser à un sujet aussi délicat que ce qui se passe actuellement en Libye. Depuis quelques jours, le monde entier s’émeut de l’esclavage de certains migrants. Ces derniers vendus aux enchères sur leur parcours pour rejoindre  »l’eldorado » européen. Ce qui me surprend le plus ce sont les réactions d’indignation des dirigeants du monde et plus précisément de l’ONU. Qui ont promis comme les pouvoirs publics libyens d’ouvrir une enquête pour voir plus clair dans tout cela. Je me demande quand est-ce que cette comédie finira. Car il s’agit bien d’une comédie avec pour acteur principal l’être humain que nous sommes. Qu’il soit africain, asiatique, européen ou américain. Dire que l’esclavage existe de nos jours est un secret de polichinelle. Le reportage de la chaîne d’information CNN ne vient que rappeler ce que nous savons déjà. Tant pour les curieux que pour les ignorants.

Il me souvient qu’en début 2017, l’OIM a rendu public un rapport. Celui-ci faisait état de la vente des êtres humains ; des migrants sur la place publique en Libye. Ce rapport a été abondamment commenté par les médias et sur les réseaux sociaux. Et comme d’habitude, tout est passé dans l’oubli après. Le reportage de CNN ne saurait donc être une surprise pour nous tous. Notre hypocrisie ne doit plus être cachée. Nous la rejetons souvent sur nos dirigeants mais il temps que nous l’assumons. Rejeter la faute sur nos dirigeants a toujours été notre tasse de thé. Or nous savons tous que cela n’arrangera jamais les choses. Au contraire, la situation actuelle en Libye peut leur être amputée. Car tous ou presque étaient en poste lorsque ‘’la communauté internationale’’ a décidé de ‘’démocratiser’’ ce pays.  Comme dit un adage populaire, ‘’qui ne dit mot, consent’’.

Fer pour esclave

Définition du mot ‘’esclave’’

Les réactions d’indignation qui se poursuivent me renvoient dans mon dictionnaire. J’ai consulté les différentes définitions ou les différents sens du mot esclave. Il renvoie également à « celui qui par flatterie, par intérêt se met dans la dépendance de quelqu’un et suit aveuglement ses volontés ». Un esclave est donc quelqu’un qui est « attaché ». Attaché à une conception du monde figée, immuable. L’esclave n’est pas forcément celui qui est ‘’officiellement’’ ou ‘’matériellement’’ en captivité. Car l’élément psychologique compte beaucoup et constitue le premier facteur déterminant de la situation d’esclave. En ce sens, les esclaves se retrouvent partout, sur tous les continents. Dans les pays dits démocratiques ou non.

Aldous Huxley le dit si bien dans son livre Le meilleur des mondes. Il y écrit : « La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage, où grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude ». Aujourd’hui, l’esclave africain c’est celui qui pense que le meilleur est toujours ailleurs. Est esclave l’africain qui à tout prix veut traverser mers et océans à la nage pour espérer le meilleur. L’esclave africain c’est celui qui critique et médit tous les jours sur son pays. C’est celui qui ignore que sa terre natale est une richesse comme partout ailleurs. L’esclave africain c’est celui qui refuse de se réinventer. Et est assis sur des préconceptions mystico-religieuses du monde qui pourtant ne changent rien à son quotidien.

Une dizaine de migrants
Migrants somaliens sur le golf d’Aden

Repenser (véritablement) notre modèle

La lutte contre celle nouvelle forme d’esclavage se fera sur deux fronts : la coopération entre Etats africains et l’industrialisation.

Il faudrait nécessairement de nouvelles formes de coopération entre États africains. Afin d’assurer une surveillance des mouvements migratoires. Quelle que soit la situation actuelle de la Libye, la collaboration avec les autorités de ce pays est inéluctable. Il faut notamment envisager un rapatriement immédiat des migrants subsahariens ; de gré ou de force. Ceci nécessite une réelle volonté politique de la part de nos dirigeants actuels.

Sur le long terme, il est impérieux de revoir notre politique économique. Ceci inclut une réelle industrialisation. L’industrie est au cœur du progrès économique. Car elle crée des emplois ; des emplois de masse. L’accent doit être mis ici sur les zones rurales. Celles-ci sont délaissées tous les jours par les jeunes découragés par le travail de la terre. Or l’agriculture est également indispensable pour créer de la valeur ajoutée. Pour ce faire, il faut sortir des registres coloniaux, en abandonnant des cultures comme le café et le cacao. Qui depuis des décennies alimentent l’industrie ailleurs tout en appauvrissant nos agriculteurs.


Souvenirs de rentrée scolaire

Ce mois de septembre est le mois de rentrée dans plusieurs pays. Comme chaque année, les écoliers sont plus ou moins heureux de retrouver les salles de classe. Dans ce billet, je vous parlerai des faits qui ont marqué mes rentrées lorsque j’étais sur les bancs.

Salle de classe, salle de jeux

Ma première rentrée au secondaire fut bouleversante. Je découvrais Yaoundé, très différente de Bertoua où j’avais passé les deux années précédentes. Tout était nouveau pour moi : un nouveau quartier, de nouveaux voisins, un nouvel établissement, de nouveaux camarades. Inscrit en classe de sixième dans un établissement de la place, j’ai commencé les cours un mois après la date de la rentrée officielle. En fait, les enseignants étaient introuvables. Pendant les cinq premiers jours de la semaine, nous avions fait un seul cours. Une rentrée vraiment bizarre. La semaine suivante, nous avons nous aussi déserté les salles de classe. Avec quelques nouveaux camarades, nous passions nos journées dans les salles de jeux. A cette époque, elles pullulaient dans le périmètre des établissements scolaires. Durant mon séjour à Bertoua, je n’avais jamais mis les pieds dans un tel milieu car je n’en voyais pas.

Emerveillé par le spectacle, excité par le fait que je pouvais commander un personnage à partir d’une manette, j’étais devenu un pro de King of fighters, de Street fighter, de Punisher, du baby-foot… Et plein d’autres jeux dont les noms m’échappent. Bien qu’étant en classe, je pensais aux salles de jeux. Entre deux ou trois choses que je notais dans mes cahiers, je simulais un combat avec mes doigts. Après les cours, nous faisions un saut dans une salle de jeux avant d’atterrir à la maison. Épuisés non pas par la journée de classe, mais par les défaites cuisantes infligées par des challengers. Les jeux vidéo engloutissaient 80 % de mon argent de poche en sixième. Plus tard, en cinquième et en quatrième, ce fut au tour des salles de cinéma.

Salle de jeux vidéo
J’adorais les salles de jeu et de cinéma.

Nouvel environnement

En classe de troisième, mes parents ont décidé de me faire fréquenter un autre établissement. Rien de grave à cela. Le problème est qu’ils ont attendu le jour de la rentrée, à l’aube, pour me tenir au courant. À 7h, j’étais encore alité, cherchant dans quelle salle de jeux ou de cinéma je devais commencer les cours. Ils m’ont demandé de me préparer immédiatement et de les suivre. J’étais ébahi et je n’avais pas d’uniforme. Je découvrais mon nouvel établissement. Plus propre, où la discipline était de rigueur, contrairement à l’ancien. Ce jour-là, premier jour de classe, nous terminé les cours à 15h30. C’était une première pour moi et je suis rentré à la maison exténué et démoralisé. Je ne connaissais personne dans cette école et mes nouveaux camarades me tapaient déjà sur les nerfs. Les enseignants aussi.

L’adaptation fut difficile. Les deux jours suivants, je suis arrivé en retard, ce qui m’a valu un avertissement. Mon visage était toujours lacéré. Très sournois, je ne cessais de penser à mes délires d’autrefois. Je me suis renseigné pour savoir s’il y avait des salles de jeux aux alentours. Il y en avait, mais il était difficile voire impossible d’y avoir accès, vus les horaires de cours et les contrôles continus qui étaient annoncés. Mes parents avaient porté un véritable coup de massue sur ma tête. Même si cela m’a été très bénéfique.

L’euphorie

La rentrée qui a le plus marqué mon séjour sur les bancs est celle de 2005-2006, le lendemain d’un match de football épique ayant opposé le Cameroun à la Côte d’Ivoire. La rencontre comptait pour les éliminatoires de la coupe du monde 2006. Le match avait un enjeu : la première place du groupe que tenaient les Éléphants avant le duel. Une victoire des fauves d’Afrique Centrale était donc impérative pour espérer participer au mondial allemand. Ce d’autant plus que les Ivoiriens et leur coupé-décalé se moquaient trop de nous, nous considérant comme une équipe décadente. L’atmosphère était surchauffée à Abidjan, de même que dans les principaux carrefours de Yaoundé. Les Lions Indomptables ont sorti leurs griffes et ont remporté la partie par 3 buts contre 2. Les Ivoiriens sanglotaient comme des enfants.

Ma voix ainsi que celle de tous les élèves sortait à peine. Tout l’établissement évoquait la prestation des coéquipiers de Samuel Eto’o tout en se moquant de l’équipe de Didier Drogba. Durant toute la journée, malgré la présence des enseignants, nous commentions  cette rencontre. Un mois plus tard, coup de tonnerre, le Cameroun fut éliminé de la course au mondial, au terme d’un match nul contre l’Egypte. Un véritable drame national.

Match Côte d'Ivoire-Cameroun
Malgré la victoire, les Lions n’étaient pas au mondial 2006.


Mes premiers pas en solitaire dans un marché

Tout petit, je faisais les courses avec mes sœurs. Je vous fait part dans ce billet de mes premiers pas tout seul dans un marché de Yaoundé.

D’Essos à Elig-Edzoa…

Dans ma tendre enfance, j’étais toujours excité lorsque je suivais mes sœurs ou ma maman au marché. Résidant au quartier Nfandena, nous allions soit au marché Essos, soit au marché Elig-Edzoa. Deux quartiers célèbres de notre sublime capitale Yaoundé. J’adorais voir mes sœurs discourir avec les commerçants. Au sujet des prix et de la qualité de leurs produits. « La mère, ta tomate-ci est chère. Baisse encore le prix » ! « Regarde toi-même la qualité de tes oignons. Et tu vends ça si cher ? Vraiment » ! Renchérissaient celles-ci devant des commerçants révoltés. Par contre, ma maman n’appréciait pas parlementer ainsi avec les vendeurs. Elle payait au prix « taxé », sans discussion aucune. Mes sœurs disaient qu’elle est dépensière. Quoiqu’il en soit, je me plaisais dans le rôle de « Tchinda ». C’est-à-dire celui qui porte le sac. J’étais chouchoutée par les vendeurs ; les dames notamment.

En réalité, mes sœurs m’utilisaient comme un appât pour flatter les commerçants. « Bon, comme tu es avec l’enfant, je te laisse à ce prix-là. Je ne veux pas que vous marchiez beaucoup » ! « Tu as un frère mignon hein ! Pour lui, je te donne le cadeau » ! Entendais-je quelques fois en forçant un rire jaune. Une jeune commerçante a même déclaré : « Ton frère-là, c’est mon futur mari hein. Garde-le bien pour moi » ! Ma sœur éclata de rire. Moi pas ; même si la demoiselle en question était quand même jolie.

Surprise

Un beau matin, mes sœurs ont décidé que c’était à moi de faire les courses. Car elles estimaient que je pouvais m’en sortir tout seul. Dans un milieu que je considérais à l’époque comme une jungle. Evidemment, j’ai refusé. Mais elles ont insisté et insisté. Sans oublier de me rappeler que j’étais leur benjamin. Et de ce fait, je leur devais obéissance. J’ai donc pris le sac et 3500 F pour les achats. Et j’ai pris le chemin du marché Essos qui venait juste d’être installé sur un nouveau site. Deux voies conduisaient au marché. Il fallait emprunter soit le bitume, soit la route poussiéreuse plus courte. C’est cette dernière que j’ai prise. Elle conduisait également chez un marchand d’épices. Celui chez qui mes sœurs se ravitaillaient d’habitude.

De part et d’autre de la piste, il y avait des vendeurs à la sauvette. Ils proposaient de la friperie, des produits vivriers et du matériel électronique. Il y avait aussi plusieurs comptoirs faits de cartons superposés. C’étaient des jeunes qui jouaient aux cartes ; le « jambo ».  Il fallait mettre de l’argent en jeu pour y participer. Ils ne m’intéressaient guère. J’ai plutôt été attiré par un autre groupe de personnes. C’était un autre jeu de hasard. Il y avait trois boîtes disposées chacune. Le maître de jeu les a ouvertes. Deux avaient une couleur verte. Et la dernière, celle du milieu était rouge. Il les a refermées ensuite. L’intrigue était simple. Il faisait tourner, tourner, tourner encore les boîtes et après, il fallait trouver la boîte rouge. Jeu facile en apparence.

Mirage

Le maître de jeu invita d’autres personnes à participer. Je me suis rapproché. Il fallait juste débourser une somme à partir de 500 F. Au cas où vous trouvez la boîte rouge, vous repartez avec le double. Deux ou trois personnes ont gagné sous mes yeux. Dont l’un 5000 F. N’ayant pas encore fait mes achats, j’imaginais déjà 7000 F dans ma poche. A 12 ans, je connaissais déjà l’argent hein, « le Nkap ». Je me voyais en train de me mouvoir dans une salle de jeux avec une glace énorme tout près. J’ai donc décidé de tenter ma chance et de mettre sur la table l’argent du marché. J’ai commencé par mettre 1500 F sur le carton. Le maître de jeu présenta les boîtes. La rouge était au milieu. Je la fixais avec une attention particulière. Il les referma et débuta son cirque.

Un quart de secondes plus tard, il m’intima de faire mon choix. J’avais suivi délicatement ses mouvements. J’ai pointé la boîte à gauche. Erreur ! Je venais de perdre une partie de l’argent du repas. J’étais ébahi, grelottant presque. Le monsieur en face ouvrit la boîte du milieu, la vraie. Il a dit : « Ohhhh ! Le petit a perdu, ce n’est pas grave. Tu peux encore tenter ta chance. Sois juste plus concentré » ! Envoûté par son verbe diabolique, j’ai « tenté » à nouveau ma « chance ». Cette fois, un billet de 1000 F est parti à l’eau. C’était comme un doux rêve. Je venais de gaspiller tour l’argent et je ne comprenais rien du tout. Pourtant, j’avais l’œil sur la bonne boîte. « Ahhh ! Courage le petit, tu y étais presque » ! Débita un jeune à proximité. Il attendait son tour.

Je ressentais comme un vide. C’est comme si l’on venait de me voler mon honneur. Je m’étais éloigné de quelques pas, très frustré. J’ai décidé que les choses n’allaient pas se terminer ainsi. Je suis retourné au comptoir, où j’ai mis en jeu les derniers 1000 F que j’avais. La dernière balle du shérif. Convaincu que cette fois, j’emporterai la mise.  Ce qui ne fut pas bien évidemment le cas. Très abattu et affaibli, j’ai tout de même contenu mes larmes. Je préfère vous faire l’économie de la suite des événements.

Supercherie

C’est plus tard que je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’un gang de bandits. En effet, leur jeu était une mise en scène pour entourlouper les esprits naïfs comme moi à l’époque. En réalité, les trois boîtes étaient chacune fendues méticuleusement. Elles contenaient toutes les deux couleurs vert et rouge. Ainsi, avec cette manigance, vous ne trouverez jamais la boîte rouge. Sauf si le brigand qui les tenait le voulait. Comme il l’a fait dans certains cas, avec ses complices bandits. J’avais retenu la leçon. Mais un peu tard.

Mes premiers pas en solitaire au marché Essos furent mémorables. Depuis, je suis sage et je fais les courses seul. Les jeux de hasard ont peu à peu disparu de nos espaces marchands. Quelques fois assez brutalement. Je me souviens deux ou trois ans après cet épisode, un autre adolescent avait été complètement dépouillé par un autre groupe de brigands. Déguisés en maître de jeu et en spectateurs. Il avait mis en jeu jusqu’à ses baskets neuves. Il est rentré pleurnicher chez ses frères. Ces derniers ont rappliqué et ont occasionné une bagarre épique qui nécessita l’intervention de la police et l’arrestation d’une vingtaine de personnes.


CAN 2019 : Cabale contre le Cameroun ou cabale contre la CAF ?

Le Cameroun est une fois de plus sur la sellette depuis une dizaine de jours. En effet, tenaillé par des problèmes internes, l’organisation de la prochaine CAN sur ses terres semble compromise. Tout d’abord, il y a eu l’augmentation (quasi dictatoriale) du nombre d’équipes participant au tournoi. Ensuite le décalage de la compétition aux mois de juin et de juillet. Période correspondant à la saison pluvieuse (hiver). Où l’on enregistre plusieurs jours d’averses sans interruption dans certaines villes à l’instar de Douala ou de Bafoussam. Enfin, il y a les déclarations du président de la CAF qui ont soulevé le courroux des Camerounais.  Ces derniers considérant ces propos comme un mépris pour le pays de Mbappe Leppe. Dans ce billet, je donnerai mon humble avis sur ce que je considère comme une cabale.

Prémisses

Tout commence en septembre 2014 lorsque la CAF attribue l’organisation des CAN 2019, 2021 et 2023. Respectivement au Cameroun, à la Côte d’Ivoire et à la Guinée. En plus, notre triangle national se voit confier l’organisation de la CAN Féminine 2016. Car aucun pays ne s’était porté candidat pour cet événement.  La dernière CAN Féminine devait donc servir comme répétition générale au Cameroun pour la CAN de 2019. La CAN Féminine a eu lieu. Et à en croire les responsable de la CAF de l’époque, elle a été un succès fulgurant. Tout semblait donc aller bien dans le meilleur des mondes jusqu’en mars dernier.

Un coup de tonnerre frappa la CAF. Après sa défaite à l’élection, son éternel président Issa Hayatou cède sa place au malgache Ahmad Ahmad. Ce dernier a bénéficié du soutien du président de la FIFA et d’un bon nombre de fédérations africaines. Dont la puissante COSAFA qui réunit les fédérations d’Afrique australe. C’est d’ailleurs son président qui le premier va se plaindre des conditions d’attribution des CAN sus-évoquées. Concentrées selon lui dans une seule région africaine. Pour être honnête, il a raison. Mais ce n’est pas l’objet de notre réflexion.

Cabale contre le Cameroun ?

Après l’organisation réussie de la CAN Féminine de 2016, une question de profane nous vient à l’esprit. « Pourquoi tant d’inquiétudes de la part de la CAF » ?  La réponse à cette question est simple en apparence. Elle est à trouver dans le cahier de charges. Ce dernier étant modifié puisque la CAN 2019 se jouera à 24 équipes. Nous resterons donc sur le premier cahier de charges. Car le nouveau n’a pas encore été remis officiellement au Cameroun. Le cahier de charges contient un ensemble d’infrastructures à réhabiliter ou à construire. Parmi lesquels les stades d’Olembe à Yaoundé et de Japoma à Douala. Ces deux principales infrastructures accusent des retards quant à l’avancement des travaux. Au point où le stade d’Olembe sera préfabriqué en Italie puis transporté jusqu’au Cameroun.

Pour les autres infrastructures qui comprennent des terrains d’entrainement aussi, seuls ceux de Limbé, Buéa, Bafoussam sont prêts. Sans oublier les stades annexes et le stade militaire de Yaoundé qui a ont servi pour la CAN Féminine. Pour le cas des infrastructures hôtelières, le Cameroun dispose d’un potentiel énorme. Même si certains hôtels ne sont pas encore sortis de terre. Pour les hôpitaux, les voies de communication et de télécommunication, il faut le reconnaitre, le pays est en chantier. Dans les grandes villes, les axes routiers sont réhabilités. Les formations sanitaires dotées des dernières technologies sont mises en place. Les télécommunications sont améliorées afin de doter le pays d’une bonne connexion internet.

Le véritable problème du Cameroun c’est le déficit de communication. De la part de la FECAFOOT et du comité d’organisation de la CAN. Qui est muet depuis la fin de la CAN Féminine. Les officiels camerounais sont prompts à réagir lorsqu’ils sont critiqués. Ce qui est une attitude quelque peu fâcheuse.

Illustration du stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé
Les Camerounais attendent leur CAN

Cabale contre la CAF ?

Depuis la réunion du comité exécutif de la CAF et les propos de son président, les Camerounais sont déchaînés. Ils y voient un règlement de compte entre Ahmad Ahmad et son prédécesseur à la CAF. En fait, la CAF avait retiré l’organisation de la CAN des moins de 17 ans à Madagascar. Du temps d’Issa Hayatou. Prétextant alors un retard dans les travaux. Comme l’on se serait attendu, les internautes camerounais ont violemment critiqué le président de la CAF. Ils ont en outre présenté Madagascar comme un pays ne disposant d’aucune infrastructure d’envergure. Contrairement au Cameroun. Des célébrités sont également montées au créneau. Certaines pour défendre la CAF, d’autres pour défendre le Cameroun.

Une chose est certaine : les passe-d’armes  entre les Camerounais et la CAF ne résoudront aucun problème. Tout comme elles ne construiront aucune infrastructure. De plus, elles ne font qu’ajouter de l’huile sur un feu ardent. Or l’on sait depuis la défaite d’Issa Hayatou que le Cameroun serait sous le feu des projecteurs. Tôt ou tard, il fallait s’y attendre. En politique, un discours de campagne électorale est différent d’un discours d’investiture. Tous les deux étant à des années lumières de la  pratique du mandat plus tard. C’est exactement ce que l’on vit à la CAF. Les hommes ont changé. Les rapports de force aussi. Depuis mars 2017. Seuls les Camerounais ne l’avaient visiblement pas intégré jusqu’à présent. Nous semblons sortir des bras de Morphée. La campagne pour l’élection à la CAF et la défaite d’Issa Hayatou étaient prémonitoires à ce qui arrive aujourd’hui.

La suite… ?

Les mille et une conférences de presse et déclarations des officiels camerounais n’atténueront pas nos inquiétudes. Le combat ne se joue pas sur le plan médiatique qui selon moi est perdu d’avance. Le combat est ailleurs, sur un autre front tout comme les enjeux sont considérables. Si l’on prend les propos d’Ahmad Ahmad un par un, on dirait que la messe semble dite pour le pays de Rigobert Song. Le fait d’évoquer le Maroc ou l’Algérie comme possible recours n’est pas anodin. De même que déclarer que « même à quatre équipes, le Cameroun ne peut pas organiser la CAN ». Quel mépris ! Sans inspection, ni audit.

Il aurait fallu pour le président de la CAF d’attendre l’avis des experts. Au lieu de faire une fuite en avant. Au demeurant, je partage avec vous ce post d’un internaute camerounais. « Si la CAF veut nous retirer la CAN 2019, qu’ils attendent au moins deux mois avant. Là nous aurons nos infrastructures. C’est mieux que d’avoir des chantiers abandonnés ». Je suis entièrement d’accord avec lui.

 


Droits de l’homme : le Cameroun dans la sauce ?

Amnesty International a le secret pour fédérer l’opinion publique camerounaise comme un seul bloc. Une fois de plus, son rapport a critiqué mon pays sur le plan des droits de l’homme. Ce qui a soulevé le courroux de mes compatriotes de tout bord. Et même de certains opposants. Un agrégé de droit s’est dit « choqué » par ce rapport. Tandis qu’il a été qualifié d’« ubuesque » dans un éditorial du quotidien Cameroon Tribune paru le 26 juillet dernier. Pendant une dizaine de jours, l’ONG a donc été cuisinée à toutes les sauces. Certains remettant même en cause sa crédibilité. J’en ai ri abondamment. Dans ce papier, il est question pour moi de montrer que les droits de l’homme sont un piège ou une sorte d’attrape-nigaud dans lequel se sont embourbés les Etats africains depuis des décennies.

Soldats d'élite
Soldats de l’armée camerounaise en séance d’entrainement

Bref rappel                                                                                                                 

Le rapport d’Amnesty International commence par une présentation des exactions de Boko Haram au Cameroun. Notamment dans l’Extrême-Nord du pays. Ensuite, l’ONG présente les « arrestations et détentions arbitraires » orchestrées par les forces de sécurité. De même que la « Torture, morts en détention et disparitions forcées ». Tout ceci occasionné par notre armée. Le rapport évoque ces faits avec des mots parfois très durs. Parmi les autres thèmes abordés, il y a la liberté d’expression, d’association et de réunion. Qui demeure un vœu au Cameroun. Il y a également le droit à un procès équitable, l’impunité, les conditions carcérales. Le droit à un niveau de vie suffisant et la peine de mort. Vous le remarquez sans doute. L’ONG prend appui sur un ensemble de traités et conventions ratifiés par le Cameroun.  D’où ce qui peut apparaître comme un rappel à l’ordre à l’endroit de mon cher et beau pays.

Grande curiosité

L’initiative d’Amnesty est louable, mais son rapport sur le Cameroun soulève quelques interrogations. Ce rapport n’est pas le premier sur mon pays. Et systématiquement, l’accent est mis sur les « dérives » des forces de sécurité camerounaises. Avec des expressions virulentes. Il n’est nullement question pour moi de cautionner toute forme d’atteinte aux « droits de l’homme ». Mais en évoquant l’armée camerounaise et la lutte contre le terrorisme, Amnesty aurait pu se pencher sur tout autre chose. Par exemple le traitement des soldats engagés au front. Simple omission ou volonté délibérée de ternir l’image de l’armée camerounaise ?

Toujours est-il qu’il y a moins de deux mois, des soldats de notre armée ont fait la grève. Ils manifestaient leur mécontentement face au traitement inhumain dont ils sont victimes au front. Allant jusqu’à bloquer la circulation dans une ville de l’Extrême-Nord. Ils réclamaient une relève immédiate et le paiement de leurs primes. En réaction, la chancellerie a ordonné l’arrestation de ces jeunes. Une trentaine. Ils ont été transférés à Yaoundé où ils attendent d’être jugés. En taisant cet épisode du feuilleton, Amnesty surprend. Pourtant il en va du moral des troupes et du respect du « droit à un niveau de vie suffisant ».

Soldats mécontents
Soldats bloquant un axe routier

Les droits de l’homme en question

En politique, le droit est la codification des rapports de force à un moment donné. C’est ce qui explique ses mutations récurrentes. Car il doit s’adapter non seulement au temps, mais à la conjoncture politique. La majorité des traités de droit international a été signée au 20ème siècle. Plusieurs Etats africains venaient d’obtenir leur indépendance. D’autres luttaient pour celle-ci. On peut donc simplement expliquer la naïveté de nos pays à cette époque. De plus, pour plaire à la « communauté internationale », ces Etats se sont engagés sans mesurer les enjeux. Surtout à long terme. On peut donc comprendre aisément les balbutiements de l’Union Africaine en ce qui concerne la cour Pénale Internationale. En théorie, le but du droit international est vertueux. Mais dans la pratique, c’est tout autre chose que l’on observe. Je n’ai pas envie de revenir sur la guerre en Lybie et sur bien d’autres cas.

Parlant des dérives des forces de sécurité dans cette lutte, plusieurs rapports au Cameroun en ont fait écho. Il s’agit de diverses ONG qui abattent un travail remarquable dans des conditions très difficiles. C’est le cas aussi de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés. Dans ses rapports de 2014 et 2015, sur l’état des droits de l’homme au Cameroun, elle critique vertement notre armée. Et donne avec chiffre à l’appui des cas de disparitions forcées et de décès en détention. Ces rapports sont rarement ou difficilement commentés dans les médias de même que sur les réseaux sociaux. Pourtant ils sont tout aussi crédibles. Et servent parfois de document de travail aux organisations comme Amnesty. Il est donc impérieux pour nous de faire confiance aux ONG locales. Car elles font un boulot tout aussi exceptionnel, malgré leurs moyens limités.